Une véritable chasse aux sorcières est en cours à Rio de Janeiro à la suite de la coupe du monde de Football, l’un des grands événements, après le sommet de la terre Rio + 20 et avant les jeux Olympiques, qui visent à renouveler l’image de la métropole dans la mondialisation. Depuis plusieurs  années déjà, l’intense spéculation immobilière propre à ces grands évènements conduit l’État de Rio à chasser très brutalement les pauvres de leurs favelas magnifiquement perchées au dessus des riches quartiers des bords de mer. Mais on atteint aujourd’hui  un autre stade directement politique où le pouvoir attaque cette fois directement l’ensemble des mouvements des jeunes métropolitains qui contestent l’affairisme dominant.

Brutalement, toute manifestation de rue est criminalisée et, plus largement, le pouvoir persécute toute forme d’expression contestataire. Livres, tracts, musiques, affiches, t-shirts ou mémoires de thèses sont scandaleusement transformés en pièces d’accusation totalement politiques. C’est qu’on ne pardonne pas aux mouvements d’avoir détourné les grands événements pour faire connaître au monde les énormes inégalités dans la métropole, l’insuffisance aussi des investissements en matière de logements, santé, éducation et encore les tortures, assassinats et disparitions pratiquées par la police militaire dans les favelas. Se met alors en place de manière rampante un retournement répressif qui jette à la poubelle tous les principes de l’État de droit et vise à détruire la brèche démocratique ouverte par Lula et surtout par les mouvements de juin 2013.

Le pouvoir à Rio a lancé de grandes enquêtes policières et judiciaires concernant tous les milieux associatifs, culturels et de la communication qui se retrouvent sous écoute.

Soit toute une génération, tout le réseau de démocratie participative qui est criminalisé.

Une première enquête – déjà publique – vise les « activistes » en général, c’est-à-dire tous les militants de 73 collectifs, parmi lesquels ont eu lieu 23 arrestations en juillet, leurs avocats étant eux aussi désignés. D’autres sont maintenues sous un inexplicable secret de « justice ». Elles concernent, d’une part, tous les syndicats et partis qui ont appuyé les manifestations de 2013, d’autre part, les « professeurs » et “intellectuels”, qualifiés d’ “idéologues”  pour tenter de criminaliser aussi la pensée !

Tout le monde s’attendait à des manifestations tendues lors de la Coupe du Monde, mais nullement aux arrestations “préventives”, basées sur des interprétations grotesquement accusatrices à partir d’écoutes de conversations téléphoniques et de contrôle de mails ou de facebook. Par exemple, un des activistes cite Bakounine et voilà le théoricien anarchiste mis sous enquête lui aussi ! Ce n’est pas drôle mais réellement grave puisque ces 23 “activistes” ont déjà été ainsi  réellement mis en prison. Le pouvoir ne prend plus même la peine de distinguer les « casseurs » des « manifestants ». Même si les emprisonnés ont pu jouir de l’Habeas Corpus – en liberté provisoire –, ils restent sous la menace continue de retourner en prison en étant continuellement dénoncés par les médias.

Ces remises en cause de l’Etat de droit ont déjà suscité de premières réactions fermes de la part de députés et sénateurs des partis de gauche (PSOL, PSTU, PCdoB et PT) ainsi que de la direction nationale du Parti des Travailleurs (PT) (https://www.pt.org.br/pt-divulga-nota-sobre-as-prisoes-de-ativistas-no-rio-de-janeiro/) et de l’ordre des avocats de Rio de Janeiro (OAB-RJ) (http://www.conjur.com.br/2014-jul-23/oab-rj-acao-organismos-internacionais-prisoes-rio?utm_source=dlvr.it&utm_medium=facebook). L’École de la Magistrature de Rio, soutenue par d’éminents juristes, a aussi annoncé un séminaire « Résistance Démocratique ». Mais ces initiatives semblent encore insuffisantes pour faire face à ce fort virage répressif.

Les élections présidentielles et des gouvernements des États sont en novembre prochain et les grands médias accroissent sans cesse l’idéologie sécuritaire en criminalisant toute manifestation qui n’a pourtant pour objet que de renforcer la démocratie brésilienne naissante.

Que faire ? Ces actions sont-elles uniquement de la responsabilité des États de Rio de Janeiro et de São Paulo ou bénéficient-elles aussi du soutien de l’État fédéral? Le silence jusqu’ici du gouvernement Dilma  est vraiment inquiétant.

L’opinion publique internationale doit  donc connaître cette situation et faire forte pression pour que le gouvernement prenne ses responsabilités dans la défense de l’État de Droit.

Les mouvements de Rio et de Sao Paolo nous demandent de mobiliser dans l’urgence des hommes et femmes politiques, juristes, médias, presse indépendants et autres pour dénoncer cette situation absolument surprenante d’un gouvernement de gauche qui viole les droits de manifester et la liberté d’expression au Brésil.

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